Il semble que Volodymyr Zelensky ait enfin trouvé sa vocation : prophète des temps modernes. Celui qui, entre deux blagues de stand-up, s’est retrouvé à diriger un pays en guerre, n’en finit plus de réinventer le récit de cette étrange tragédie que traverse l’Ukraine. Sa dernière trouvaille ? Annoncer avec un certain délectement que la guerre est “de retour” en Russie. Rien que ça ! Visiblement, ce n’est pas qu’un simple retour aux sources, mais une véritable visite guidée que l’Ukraine semble offrir à son voisin russe, autrefois dominateur, aujourd’hui invité malgré lui à goûter aux joies des représailles
Avec son inimitable style qui oscille entre le pathos et l’ironie, Zelensky a déclaré, lors d’un discours diffusé à l’occasion de la Fête de l’Indépendance de l’Ukraine, que Moscou, qui a attaqué son pays en 2022, allait “savoir ce que sont des représailles“. On l’imagine aisément enregistrer ce message, dans une forêt isolée de la région de Soumy, un lieu choisi avec soin pour faire vibrer la corde patriotique. “Quelques kilomètres” seulement le séparaient, selon ses dires, de l’endroit d’où l’armée ukrainienne aurait lancé une incursion surprise en Russie. Si l’on ferme les yeux, on peut presque entendre le bruissement des feuilles et sentir l’odeur de la mousse, tandis qu’il promet, l’air grave, que Kiev “surprend une fois de plus“. Il ne manque plus qu’un fond sonore dramatique pour parfaire la mise en scène.
La Koursk à la Fake News
Certains se demanderont s’il ne s’agit pas là d’une énième opération de propagande savamment orchestrée, où le président ukrainien, tel un réalisateur hollywoodien, enchaîne les séquences chocs. Depuis le début de la guerre, Zelensky manie l’art de la communication avec une dextérité qui ferait pâlir bien des spin doctors. Mais à force de jouer la carte de l’émotion et de la revanche, ne risquerait-il pas de tomber dans la caricature ?
Sa dernière déclaration, où il qualifie Vladimir Poutine de “vieil homme malade de la Place Rouge qui menace constamment tout le monde avec le bouton rouge“, est à ce titre emblématique. L’image est forte, presque risible, mais elle révèle aussi une stratégie : personnaliser le conflit pour mieux diaboliser l’ennemi. Le problème, c’est que ce genre de punchline, à force d’être répétée, finit par perdre de sa puissance. On en viendrait presque à se demander si le véritable adversaire de Zelensky n’est pas le syndrome du “discours choc” à répétition.
Et tandis que Zelensky prophétise des représailles divines, Moscou, de son côté, continue de brandir la menace nucléaire, comme pour répondre à cette surenchère verbale. La centrale de Koursk, joyau atomique de la région, est devenue le nouvel épouvantail agité par le Kremlin. Une manière de rappeler que, dans cette partie d’échecs mortelle, le jeu est loin d’être terminé. Mais qui bluffera le mieux ?

L’Ukraine, quant à elle, célébrait ce samedi son 33e anniversaire d’indépendance de l’Union soviétique. Un anniversaire amer, teinté de larmes et de sang, mais aussi de fierté nationale. Car malgré les bombes, malgré la destruction, malgré les discours enflammés de son président, l’Ukraine est encore debout. Peut-être est-ce cela, le véritable tour de force de Zelensky : avoir réussi, envers et contre tout, à maintenir une flamme d’espoir dans le cœur de son peuple.
Kiev lance son « Service Après-guerre »
Mais à trop vouloir réécrire l’histoire, à trop vouloir peindre Poutine en dictateur sénile et l’Ukraine en bastion de la liberté, Zelensky ne prend-il pas le risque de perdre de vue la réalité du terrain ? La guerre, qu’il présente comme “revenant en Russie“, a-t-elle vraiment franchi les frontières ou est-ce une vision un peu trop optimiste ? Les récits héroïques, c’est bien, mais face à la dureté des faits, mieux vaut parfois garder les pieds sur terre.
En attendant, la situation reste tragiquement inchangée : les bombes continuent de pleuvoir, les civils de mourir, et les chefs d’État de pérorer. À ce rythme, il ne restera bientôt plus que des ruines pour témoigner de cette “grandeur” revendiquée par les uns et les autres. Mais au moins, Zelensky aura le mérite d’avoir transformé cette guerre en une gigantesque scène où chacun joue son rôle, avec plus ou moins de conviction, mais toujours avec un sens aigu du spectacle.
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