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Axuria met les sabots dans tout le 64




Implantée depuis 1983 en Soule, la coopérative Axuria a décidé d’élargir sa zone d’influence à l’ensemble des Pyrénées-Atlantiques. Une façon de dire que le terroir, c’est comme l’herbe tendre : plus on en a sous la dent, mieux c’est. Entre amour de la viande locale, galères de cheptel et passion chevillée au corps, plongée dans une filière qui n’a pas peur de mettre les mains dans le cambouis (et les bottes dans la boue)

Elle en avait gros sous la patte, la Soule. Depuis plus de 40 ans, Axuria ruminait son ancrage dans ce petit bout de Béarn basquisé. Mais voilà, les temps changent, les éleveurs prennent la clé des champs (à la retraite), les vaches attrapent la tuberculose, et l’abattoir de Mauléon ne tourne plus aussi rond qu’un rumsteck bien ficelé. Il était temps pour la coopérative de s’oxygéner les naseaux. Et quoi de mieux que de pâturer sur l’ensemble des Pyrénées-Atlantiques, histoire de ramener un peu de sang neuf dans l’étable ?

Un coup de corne bien senti

Décision prise lors d’une assemblée générale extraordinaire en octobre 2024, mais annoncée officiellement en avril dernier : Axuria élargit sa zone de reconnaissance au 64 tout entier. Traduction : des éleveurs d’Hasparren, du Béarn ou de la côte basque pourront désormais rejoindre la coopérative, y livrer leurs bêtes, et vendre du veau ou de l’agneau sous le label Herriko Haragia.

« C’est un choix qui s’est un peu imposé à nous, reconnaît Battitta Baqué, directeur de la structure. La moitié des éleveurs souletins ont plus de 50 balais, et beaucoup raccrochent les bottes sans repreneur. On bossait déjà avec des éleveurs hors Soule, sauf qu’ils n’étaient pas adhérents. C’était devenu un peu bancal. »

Ajoutez à ça 13 foyers de tuberculose bovine découverts fin 2024, et vous obtenez une décapitalisation du cheptel. Résultat : il fallait muscler le troupeau, au risque de voir le modèle coopératif flancher comme une vache en hypocalcémie.

Et pourtant, côté finances, Axuria garde le cuir solide : 9,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, 9,3 millions en 2024. Plutôt stable, pour une structure qui regroupe entre 270 et 300 éleveurs, répartis à égalité entre bovins et ovins, et qui fait tourner pas loin de 5 000 emplois directs et indirects dans le coin. Mais la stabilité économique, c’est comme un veau sous la pluie : ça peut vite choper un coup de froid.

Une bête histoire de passion

Chez Aurélie Bracot, du Gaec Elhar à Moncayolle, ça fait déjà cinq ans qu’on bosse main dans la main avec Axuria. Ici, pas de bidoche industrielle, mais des vaches nées et engraissées sur place, nourries maison aux céréales du cru et au foin du coin. Aurélie les bichonne avant de les envoyer à Mauléon, chez Axuria. Résultat : de la qualité qui fait meugler les bouchers de bonheur.

Par exemple ? Chez Fabien et Mélanie Chatain, à la boucherie Ursuya d’Ustaritz, on s’est offert récemment Safrane, une vache star sélectionnée pour le Salon de l’Agriculture de Paris. Et même si le couple n’est pas du coin (ils viennent du Tarn-et-Garonne), ils sont devenus des vrais apôtres du terroir local.

« La base de tout, c’est le local, explique Fabien. Nous, on arrive à la fin de la chaîne. On est là pour mettre en valeur le taf des éleveurs et de la coopérative. » Et sur son étal, il ne manque jamais d’afficher fièrement le label Herriko Haragia. Une façon de montrer que chez eux, la bidoche n’est pas là pour enfumer le client.

Du pré à l’assiette, en mode circuit court

Depuis toujours, Axuria revendique une agriculture familiale, à taille humaine, sans esbroufe ni label en toc. Ici, on défend le pastoralisme, les races locales, et une certaine idée de la viande bien élevée. Le tout avec des ateliers de découpe modernes, inaugurés à Chéraute en 2018, et un abattoir maison à Mauléon, qui évite aux bêtes de traverser la moitié de la France en bétaillère.

La coop’, c’est un peu le couteau suisse du bétail : elle découpe, emballe, vend, et surtout écoute ses adhérents, comme le rappelle Alain Lasserre, président d’Axuria : « Voir le travail de nos éleveurs valorisé, c’est notre motivation première. »

Et dans le rayon viande d’exception, Axuria ne fait pas les choses à moitié : agneau de lait des Pyrénées, seul en France à avoir à la fois un Label Rouge et une IGP, vaches et veaux de race locale, produits aux petits oignons… ou plutôt aux petites herbes de montagne.

Ouvrir ses portes à tout le département, c’est pas virer à l’industriel pour autant. Pas question de devenir un géant du steak anonyme. Axuria reste une coopérative de proximité, avec la tête dans les chiffres mais les bottes dans la glaise.

« C’est pas l’extension à la va-comme-je-te-pousse, précise Baqué. On veut grandir, d’accord, mais pas dénaturer notre modèle. On continue à privilégier la qualité, la relation humaine, et les produits qui sentent bon le terroir. »

Et il y a de quoi séduire de nouveaux éleveurs. Car la coopérative ne se contente pas de prendre vos bêtes : elle propose accompagnement, services, débouchés garantis, et surtout une rémunération juste, loin des marges de hyènes pratiquées ailleurs dans la filière. Un vrai pacte de confiance, qui repose sur une idée toute simple : quand on bosse bien, tout le monde doit s’y retrouver, du producteur au mangeur.

Pâturer plus pour vivre mieux

Avec cette ouverture, Axuria espère non seulement attirer de nouveaux adhérents, mais aussi consolider son modèle, pour continuer à exister dans un monde agricole de plus en plus sous pression. Parce qu’entre inflation, normes sanitaires qui changent tous les quatre matins, et manque de jeunes prêts à reprendre les exploitations, c’est pas toujours la fête au village.

Mais en restant fidèle à ses valeurs, et en gardant les sabots sur terre, la coopérative souletine prouve qu’on peut faire du bon, du beau, et du propre… sans se prendre pour un bœuf.

Axuria, en quelques chiffres qui envoient du steak :

Axuria, c’est un peu comme une vache qui rit : elle grandit, mais sans perdre le goût de ce qui compte vraiment. Avec ses éleveurs soudés, ses artisans passionnés et ses clients gourmands de vrai, la coopérative trace sa route au galop. Et tant pis si ça fait un peu de boue sur les bottes : le terroir, ça se cultive avec les tripes, pas avec des gants blancs.

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