Dans Legado, nouvelle pépite hispanique fraîchement sortie des studios Netflix, l’Espagne prouve une fois encore qu’elle sait faire pleurer dans les chaumières, trembler dans les fauteuils et serrer les dents devant les écrans. Un scénario aux petits oignons, un casting trois étoiles recyclé façon grande cuisine ibérique, et une intrigue où l’héritage familial devient un thriller digne des plus grandes tragédies shakespeariennes… avec une touche de gazpacho bien pimenté
Bienvenue chez les Seligman, une famille aussi unie qu’une meute de hyènes devant un morceau de barbaque. À la tête de l’empire médiatique, Federico (José Coronado, l’homme qui a plus de carrière que de cheveux) revient d’un exil médical aux États-Unis. Deux ans de lutte contre le cancer, loin des affaires, et pendant ce temps, ses enfants ont transformé son empire en parc d’attractions pour actionnaires nerveux.
La suite ? Un feu d’artifice familial. Trahisons, manipulations, regards noirs à la lueur des lustres en cristal… Federico découvre que ses rejetons, en plus d’avoir vidé le frigo, ont aussi siphonné son héritage. Et dans le rôle du père fâché, Coronado envoie du bois. Il n’a rien perdu de son mordant : l’ancien vétéran d’Entrevías devient ici un magnat impitoyable, prêt à tout pour empêcher ses enfants de transformer son nom en simple hashtag.
Un casting qui sent bon le recyclage… mais de luxe !
Chez Netflix Espagne, on ne jette rien, on reconditionne. À croire qu’ils font aussi le tri sélectif des acteurs. José Coronado, qu’on ne présente plus, est accompagné de figures bien connues des séries qui squattent votre top 10 semaine après semaine :
- Belén Cuesta, ex-Manille de La Casa de Papel, campe une Yolanda nunuche tout en subtilité, moitié poignardée, moitié poignardeuse.
- Diego Martín, l’incontournable d’Élite, donne vie à Andrés, fils à papa qui aurait bien besoin d’une mornifle et d’une boussole morale.
- Nico Romero (Les demoiselles du téléphone) et Lucas Nabor (À contre-sens) complètent le tableau, apportant leurs jolis minois et leur regard de cocker prêt à trahir.
Une brochette d’anciens rôles iconiques, mélangée ici pour créer de nouvelles tensions. La recette n’est pas nouvelle, mais elle fonctionne : les fans de chaque série y trouvent leur compte. Un casting cinématographiquement incestueux ? Peut-être. Mais qu’importe : les dialogues claquent, les regards tuent, et les silences hurlent.
Comparaison n’est pas raison, mais difficile de ne pas penser à Succession – cette série HBO qui a transformé les conflits familiaux en sport olympique. Les similitudes sautent aux yeux : un père au bord du gouffre, une fratrie aussi soudée qu’un château de sable sous la pluie, des coups bas à hauteur de dividendes, et des dialogues aussi tranchants que les griffes de Wolverine.
Mais Legado a sa propre griffe. Moins satirique, plus dramatique. Moins witty, plus poignante. On n’y rit pas jaune, on y pleure rouge passion. L’ambiance rappelle davantage un opéra moderne qu’une comédie cynique. Et là où Succession sort le champagne glacé, Legado sert du Rioja tiède et de la rancœur familiale à température volcanique.

Une guerre d’héritage (et de nerfs)
Au fil des huit épisodes, Legado déploie une galerie de coups de théâtre et de manipulations calculées comme des parties d’échecs au sommet du mont dramatique. Federico, le patriarche mal remis mais pas encore fini, se mue en stratège façon Don Corleone espagnol. Il ne laisse rien passer. Pas même le regard fuyant de sa fille, ni le petit email douteux de son fils. Le genre de gars qui pourrait appeler sa machine à café à la barre pour un interrogatoire.
Le scénario, signé Carlos Montero (à qui l’on doit Élite, Respira ou Après toi, le chaos), distille une tension permanente. Amour, pouvoir, trahison, jalousie… tous les ingrédients du bon vieux drama familial sont là, bien mélangés, bien servis. Et même si certains dialogues sentent parfois le réchauffé, on se laisse prendre au jeu, happé par cette lutte à mort où le patrimoine vaut plus que les liens du sang.
Le décor ? Madrid, capitale de l’empire (médiatique)
Tournée dans les quartiers chics (et parfois louches) de la capitale espagnole, la série tire profit de ses décors avec élégance. Les bureaux sont vastes, les appartements luxueux, les rues luisantes sous la pluie — un hommage visuel aux thrillers noirs et aux sagas familiales hollywoodiennes.
Mais ce n’est pas juste pour faire joli. Madrid, ici, devient presque un personnage à part entière : une ville où l’on échange des secrets dans les parkings, où les décisions qui ruinent des vies sont prises dans un rooftop chic avec vue sur l’agonie morale. Netflix y a installé ses quartiers, et ça se voit : la production est soignée, la lumière est impeccable, et chaque plan semble calculé au millimètre pour appuyer l’intensité des dialogues.
L’Héritage… « Je préfère le détruire que de vous le laisser » dit Federico à ses enfants. Ambiance. Dans Legado, l’héritage n’est pas un simple compte bancaire à partager — c’est une malédiction, une obsession, un miroir brisé tendu à une génération de fils et filles en quête d’amour paternel. On y parle de mémoire, de transmission, de ce que l’on laisse, mais surtout de ce qu’on refuse de voir s’effondrer.
Le thème, intemporel, universel, continue de fasciner. Preuve en est : Legado débarque au même moment qu’Héritage (RTBF-BBC), une autre série où la mort d’un patriarche déclenche une partie de Cluedo sanglante. Il semblerait que la télévision adore les testaments et les secrets de famille. Et nous aussi.
Verdict de fin (générique en fond)
Legado ne réinvente pas le genre. Mais elle le maîtrise, et avec panache. Portée par un Coronado impérial et une mise en scène millimétrée, la série captive. Peut-être pas autant que son cousin américain Succession, dont elle n’a ni l’ironie mordante ni les punchlines perfides, mais elle joue sur un autre registre : celui du drame humain, de la douleur feutrée, des silences qui crient plus fort que les disputes.
La musique est juste, les trahisons bien huilées, et les personnages assez profonds pour qu’on ait envie de suivre leur descente aux enfers, ou leur tentative de rédemption. Mention spéciale à Belén Cuesta, dont le regard fait plus de dégâts que les pires décisions boursières de son personnage.
Ma note de critique : 3,5 bobines sur 5
Un drame familial efficace, intense sans être hystérique, porté par un casting solide et une mise en scène léchée. Pas un chef-d’œuvre révolutionnaire, mais une série qui tient la pellicule et offre de beaux frissons. Parfait pour les soirées où l’on veut un peu de feu… sans que ce soit le barbecue de La Casa de Papel.
Legado, c’est un peu comme un bon Rioja : ça ne vous explose pas à la première gorgée, mais ça laisse un goût bien corsé en bouche.
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