Wall Street : Le Dow Jones fait la moue




Les marchés ont dansé tout le printemps au son d’une fanfare euphorique. S&P500 en goguette, Nasdaq en moonwalk, les indices US donnaient l’impression qu’on pouvait acheter à crédit une fusée sans moteur et quand même atteindre la stratosphère. Mais voilà, à force de faire comme si de rien n’était, les investisseurs viennent de marcher sur un râteau monétaire. Et ça fait mal au portefeuille

Le couperet est tombé à 19h pétantes mercredi soir, en direct live du grand cirque obligataire. Une adjudication de Treasuries à 20 ans – les bons du Trésor US, pas les scouts – a fait un bide monumental. Pas un chat pour acheter ces bouts de papier estampillés « dette américaine ». Résultat : les rendements sont partis en orbite, un peu comme si tu découvrais que ta prime va être versée en bons du Trésor moldave.

Le 10 ans US ? +11 points de base à 4,60 %, et le 30 ans ? +10,5 pts à 5,08 %. Quant au 20 ans, il s’est payé un pic à 5,103 %. On n’avait pas vu ça depuis octobre dernier. Et encore, à l’époque, on croyait que c’était un accident de parcours, pas une tendance.

Mais cette fois, c’est du sérieux. On n’est plus dans le hoquet passager, c’est une vraie quinte de toux du marché obligataire. Et Wall Street, qui jusque-là faisait semblant de ne rien voir, a enfin levé le nez de sa console à dividendes. Trop tard pour freiner la bagnole : elle a déjà dérapé dans le fossé.

Des indices en chute libre

Le S&P500, ce bon vieux thermomètre de la confiance des marchés, a perdu 1,6 % en une journée. Le Dow Jones a lâché 1,9 %, même le Nasdaq, qui carbure aux fantasmes d’intelligence artificielle et aux dividendes de rêve, a flanché de 1,4 %, malgré les +2,8 % d’Alphabet. Le Russell 2000, lui, s’est littéralement vautré avec -2,8 %, effaçant d’un coup ses gains de mai. Il est repassé dans le rouge sur l’année avec une perte de plus de 8 %. Pas mal pour un indice qu’on surnommait encore il y a un mois « le phénix des petites caps ».

Le VIX, l’indice de la trouille, qui roupillait pépère sous les 20 %, a bondi de +16 % pour atteindre les 21. Un réveil brutal, genre réveil matin nucléaire sur les marchés.

Mais pourquoi cet emballement des rendements ? Parce que les taux, c’est pas juste un truc de vieux économistes à lunettes qui parlent dans des micros crasseux de la Fed. C’est le prix de l’argent. Et quand ce prix explose, c’est tout l’édifice économique qui tremble.

Un 10 ans à 4,6 %, c’est pas anodin. C’est le seuil de déclenchement de l’alerte rouge pour toutes les dettes, publiques comme privées. C’est le feu rouge clignotant sur le tableau de bord de l’économie mondiale.

Et les États-Unis, avec leurs 1 100 milliards de dollars d’intérêts annuels, ça les met dans une position délicate. Moody’s a déjà envoyé une cartouche : « les États-Unis pourraient bientôt devoir raquer 1 600 milliards par an juste pour payer les intérêts ». C’est un peu comme si t’étais obligé de vendre ton appart’ pour payer ta facture Netflix. Y’a un moment où le banquier arrête de rigoler.

Trump, les droits de douane et le bouton rouge des taux

Même Donald Trump a reculé. Lui qui voulait remettre une couche de droits de douane sur tout ce qui bouge à l’étranger, il a freiné des deux pieds en voyant les taux grimper. Preuve que même les apprentis pyromanes savent quand poser l’extincteur. Car 4,6 % de taux, c’est pas une tache de café sur un graphique. C’est un baril de TNT posé sur la dette publique.

Et pendant que les marchés boursiers faisaient les kékés, en mode « les 7 fantastiques vont sauver la planète financière », en coulisses, les taux cramaient tout : bilans bancaires, valorisations, primes de risque.

Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est donc cette vente de bons à 20 ans. Le Trésor américain a proposé 16 milliards de dollars de dette à qui en voulait. Verdict : personne n’en voulait. Le ratio bid-to-cover – en gros, le rapport entre ce qui est demandé et ce qui est offert – est tombé à 2,34, son plus bas niveau depuis août 2022. Et largement en dessous de la moyenne des six derniers mois.

L’écart entre le rendement attendu (« when issued ») et celui réellement alloué a creusé un tail inquiétant. Les pros de l’obligataire le traduisent comme : « Les investisseurs n’ont pas confiance. » Autrement dit : « Tu veux que je te prête ? Très bien, mais t’es plus fiable. Donc tu vas raquer. »

Et pour ne rien arranger, la veille au Japon, même topo : une adjudication de bons à 20 ans qui fait un flop monumental. Le taux est passé de 2,40 % à 2,55 % d’un coup de baguette magique… ou plutôt d’un manque cruel d’acheteurs. Bref, y’a pas que les Américains qui sont dans le pétrin.

Une ambiance de krach déguisé

Les marchés continuent de danser, certes. Le Nasdaq brille, les 7 fantastiques caracolent, et les communiqués trimestriels sont plus maquillés que jamais. On applaudit des deux mains dès qu’un bénéfice est « moins pire que prévu ». Mais sous le tapis de la salle de bal, la moquette prend feu.

Le problème ? Les taux US sont devenus trop hauts pour être ignorés. Et tout le monde fait semblant de ne pas voir que ça sent le roussi.

Les valorisations boursières flirtent avec l’absurde, les marges de crédit se tendent comme un string sur une crise de nerfs, et la macroéconomie donne des signes de fatigue : consommation en berne, dettes qui s’accumulent, et géopolitique qui souffle sur les braises.

Pendant ce temps-là, l’or se marre. Le métal jaune a dépassé les 3 320 $ l’once ce mercredi soir, tranquillement assis sur un tas d’inquiétudes budgétaires et géopolitiques. Le métal précieux n’est plus juste un vieux souvenir de grand-mère, c’est le dernier refuge crédible quand les marchés sentent la merde arriver.

Comme le dit Quasar Elizundia (oui, c’est un vrai nom) chez Pepperstone :

« Les inquiétudes persistantes concernant la santé budgétaire américaine et les risques macroéconomiques plus larges continuent de soutenir l’or. »

Traduction : quand l’économie tousse, le lingot rit.

Tu croyais que 4,5 % de taux, c’était juste une ligne dans un tableau Excel ? Que nenni. C’est une bombe à retardement déguisée en obligation. C’est le baromètre d’un orage qui approche. Et c’est aussi le prix à payer pour avoir oublié que l’argent n’est jamais gratuit.

Alors, on danse encore sur Wall Street. Mais sous les mocassins vernis, le parquet craque.


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