Il y a des inventions basques qui mériteraient une statue en bronze sur les hauteurs de la Rhune. Et non, ce n’est pas la pelote ou la piperade, c’est bien le Kalimotxo, ce doux breuvage à mi-chemin entre le réconfort d’un mauvais rouge et la tendresse d’un Coca tiède. Né en 1972 sur le port d’Algorta, lors d’une fiesta où même le vin faisait la gueule, il fut sauvé in extremis par une bande de lascars baptisés “Antzarrak”. Leur astuce ? Doper le pinard fatigué avec du soda à bulles, et le nommer d’après deux clowns locaux : Kalimero et Motxo. Le résultat ? Une potion de pirates, plus efficace qu’un discours de Le Pen pour déclencher des jets de pavés.
Faut dire qu’avec la fin du franquisme, les fêtes populaires ont pris des airs de révolution sous acide, et le Kalimotxo s’est imposé comme le nectar officiel de la jeunesse énervée. On le sirote dans les txosnas, on le balance dans les manifs, on en rêve encore avec nostalgie. Pas étonnant que la presse madrilène en ait fait son bouc émissaire liquide, accusant le Kalimotxo de transformer les doux ikastoleros en furieux borrokas prêts à refaire le monde entre deux renvois de bile. Et pourtant, malgré sa mauvaise réputation, le Kalimotxo s’exporte : en Espagne sous le doux nom de Calimocho, et même à Bordeaux (les hérétiques) où il se vend en bar. Lidl aussi a tenté le coup, histoire d’enrober le vin de table façon rebelle discount.
Côté artistes, c’est feu d’artifice et mousse au goulot : chansons déjantées, clips barrés, hommages punk au breuvage noirâtre. De Paco Carbonell à Manolo Kabezabolo, en passant par Josu Distorsion, le Kalimotxo a droit à sa BO officielle. Une vraie saga liquide, une épopée populaire à faire pâlir Ricard et Martini. Et comme le dit l’adage gipuzkoan, « Plus le vin est de qualité, plus le kalimotxo est bon. » Les grands crus bordelais apprécieront…