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Opération Ogro : Un attentat littéraire en plein franquisme




Si vous aimez les thrillers historiques, les coups montés plus ciselés qu’un aizkora en plein herriko besta et les histoires de résistance où chaque page sent la poudre, alors Opération Ogro est votre nouvelle bible. Julen Agirre (pseudonyme de l’activiste Eva Forest) nous plonge ici dans le récit haletant du coup le plus retentissant d’ETA : l’assassinat de Carrero Blanco, le dauphin du Caudillo. Une histoire où les Basques jouent aux taupes, où les tunnels ne mènent pas à une cave à cidre, et où Madrid réalise un matin de 1973 qu’ETA ne fait pas qu’enfiler des perles…

Pour comprendre l’impact de l’Opération Ogro, il faut d’abord remettre les mains dans le cambouis de l’histoire espagnole de l’époque. On est en 1973, et le régime franquiste tient encore debout à coups de Guardia Civil, de censure et de moustaches gominées. Francisco Franco, ce dictateur qui avait réussi l’exploit de survivre à la Seconde Guerre mondiale sans que personne ne l’envoie en exil, commence à fatiguer. Il lui faut un héritier pour maintenir l’ordre, et son choix se porte sur l’amiral Carrero Blanco, un homme aussi charismatique qu’un poteau de palenque et aussi attaché à Franco qu’une morue dans sa salaison.

Sauf que voilà, au Pays Basque, on commence à en avoir ras le béret des répressions, des interdictions de parler euskara et des bourrades des gris (les flics du régime, rien à voir avec un bon fromage). ETA, encore dans sa phase “Robin des Bois de la lutte antifranquiste”, décide donc de marquer un grand coup. Un attentat symbolique, un projet fou : envoyer Carrero Blanco plus haut que la Giralda de Séville.

Le coup monté du siècle

Opération Ogro, c’est le récit minutieux de cette mission digne d’un film de braquage, sauf qu’ici, on ne vole pas un coffre-fort, on fait littéralement sauter un chef d’État. Julen Agirre nous détaille tout, du repérage des lieux jusqu’à l’explosion finale, avec un suspense qui ferait trembler un bertsolari en plein concours.

L’équipe d’ETA trouve un appartement à Madrid, juste en face de l’église où Blanco va à la messe. Ils se font passer pour des ouvriers et commencent à creuser un tunnel sous la route. “Un projet de canalisation“, disent-ils aux voisins. En réalité, ils préparent une bombe maison de 80 kilos d’explosifs. Une fois tout en place, ils attendent patiemment que Blanco passe en voiture. Et Boum l’Amiral. La berline ne se contente pas de dévier de sa route : elle fait un saut de plus de 30 mètres, atterrissant sur le toit d’un immeuble. Dernière pensée de Blanco avant de décoller : “¡Caramba!”

Le récit est palpitant, et Agirre ne se contente pas de lister les faits : il nous plonge dans la psychologie des militants, dans leurs doutes, leurs peurs, et surtout leur organisation presque militaire. Ici, pas de place pour l’improvisation à la va-comme-je-te-pousse : chaque détail compte, du faux chantier au choix des détonateurs. C’est du ETA version Mission Impossible, sauf que Tom Cruise, lui, ne risque pas la torture s’il se fait choper.

Le style : entre polar basque et documentaire explosif

Si Opération Ogro se lit comme un roman d’action, c’est aussi parce qu’Agirre a un vrai talent de conteur. Il ne brosse pas un portrait glorifiant d’ETA, mais il nous fait comprendre leur logique, leurs motivations et le contexte dans lequel ils opèrent. On est loin de l’organisation mafieuse qu’elle deviendra plus tard : ici, on parle d’une cellule d’intellos et d’activistes qui voient leur action comme un acte de guerre contre un tyran.

L’écriture est fluide, efficace, et parfois même teintée d’humour noir. Parce qu’il faut bien ça, quand on raconte l’histoire d’un mec envoyé en orbite par des indépendantistes qui creusent des tunnels sous Madrid comme si c’était la grotte de Zugarramurdi.

L’attentat de Carrero Blanco, c’est le point de non-retour du franquisme. Franco, déjà bien secoué (moins que Blanco), se retrouve sans successeur décent, et trois ans plus tard, le dictateur tire sa révérence. L’Espagne entame sa transition démocratique, et ETA, grise de ce succès, tombe dans une spirale de violence qui la fera passer du statut de résistance à celui d’organisation terroriste aux yeux de l’opinion publique.

Verdict : Un livre qui claque

Si vous cherchez un livre qui dépoussière l’histoire du Pays Basque et vous plonge au cœur d’un des attentats les plus marquants du XXe siècle, Opération Ogro est fait pour vous. C’est haletant, documenté, et surtout, ça se lit d’une traite, comme une txistorra bien grillée après une journée de manifestation.

Note finale : 4,5 ikurriñas sur 5 et une pelote basque en bonus pour le style nerveux et immersif.

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