Depuis 2012, l’eusko fait son petit bonhomme de chemin au Pays basque nord, et pas qu’un peu ! Avec plus de 4 millions d’eusko en circulation et un réseau de 1 400 professionnels qui l’acceptent, la monnaie locale fait mieux que résister aux rouleaux compresseurs de l’euro et des paiements sans contact. Mais voilà, elle commence à se sentir un peu à l’étroit dans son coin d’Iparralde. Comme un pottok qui aurait envie de galoper un peu plus loin, elle lorgne désormais du côté espagnol. Et hop, direction Hegoalde !
En 2026, si tout se passe bien, l’eusko pourrait officiellement jouer les polyglottes et faire son grand saut de la frontière. Oui oui, on parle bien d’une monnaie basque qui s’échange d’un côté et de l’autre des Pyrénées, histoire de pouvoir payer ses pintxos à Donostia comme on paye son axoa à Espelette. Euskal Moneta, l’association qui gère l’eusko, l’a annoncé le 8 février dernier à Baigorri : le projet avance à grands pas, et les discussions avec la Banque d’Espagne sont déjà sur la table.
De l’Adour à la Bidasoa, l’eusko veut se faire la belle
L’idée n’a rien d’une lubie passagère. Depuis le début, l’ambition d’une monnaie locale pour tout le Pays basque était inscrite noir sur blanc dans les statuts d’Euskal Moneta. Mais il a fallu attendre que le projet prenne des muscles avant de viser plus grand. « Nous avons pris le temps de grandir, de stabiliser l’eusko », explique Nikolas Blain, coordinateur d’Euskal Moneta. En gros, pas question de brûler les étapes et de se retrouver avec une monnaie aussi fragile qu’un gâteau basque sans crème ou confiote.
Le vrai déclic est venu avec la pandémie. Un coup de pied dans la fourmilière qui a accéléré les réflexions sur l’autonomie économique et les circuits courts. Résultat : depuis 2024, des expérimentations sont en cours des deux côtés des Pyrénées, et deux territoires pilotes ont été choisis pour démarrer l’aventure au sud.
D’un côté, la vallée du Baztan en Navarre, un coin plus rural où l’eusko pourrait séduire artisans et producteurs locaux. De l’autre, Oarsoaldea, une zone plus urbanisée et industrielle du Gipuzkoa, où la monnaie pourrait s’intégrer dans un réseau commercial déjà dense. Deux terrains de jeu bien différents, histoire de voir comment l’eusko peut s’adapter à toutes les sauces, du marché paysan à l’entreprise high-tech.
Un petit pas pour l’eusko, un grand pas pour l’identité basque
Au-delà de l’économie, il y a bien sûr une question identitaire derrière tout ça. « Nous sommes basques, je suis abertzale », affirme Eider Mendoza, députée forale du Gipuzkoa. Pour elle, l’eusko, ce n’est pas juste une question de biftons, c’est aussi une manière de renforcer la cohésion sociale et d’éviter que le Pays basque ne se dilue dans l’individualisme et la surconsommation.

Même son de cloche du côté de la Communauté d’agglomération Pays basque, où Jean-René Etchegaray voit dans l’eusko un pied de nez au centralisme jacobin. « Avoir notre propre monnaie, c’est garder nos richesses sur le territoire », rappelle-t-il. En gros, plutôt que de voir les euros filer vers les grandes chaînes et les multinationales, l’eusko permet de faire tourner l’argent en circuit court et de dynamiser l’économie locale. Une manière aussi de faire la nique aux grands groupes et de remettre les petits commerces au centre du jeu.
Du flouze, des picaillons et un peu de patience
Évidemment, tout ne se fait pas en claquant des doigts. Imprimer des billets qui traversent les frontières, c’est un sacré bazar juridique. Il faut que l’eusko s’adapte à la législation espagnole, et pour ça, Euskal Moneta est en pourparlers avec la Banque d’Espagne.
Mais pas de panique, la monnaie basque a de beaux arguments. Contrairement à la France, où il existe seulement 80 monnaies locales, l’Espagne en compte déjà 200. Autant dire que le terrain est plutôt fertile. Et si jamais il faut convaincre les derniers sceptiques, le succès de l’eusko côté français servira de garantie. Après tout, en 2012, personne ne pariait sur cette monnaie alternative, et pourtant, elle est aujourd’hui la première d’Europe.
En attendant 2026, Euskal Moneta organise plusieurs réunions publiques en Navarre et au Gipuzkoa pour rallier le plus de monde possible au projet. Le but ? Expliquer comment l’eusko pourrait devenir un outil économique et écologique incontournable au Pays basque sud, et surtout, comment il peut s’intégrer à la vie quotidienne sans que ça devienne un casse-tête.
Bientôt des fêtes basques 100 % eusko-compatible ?
Ainsi, en 2026, si le plan se déroule sans accroc, vous pourrez aller aux fêtes de Pampelune avec des eusko dans la poche, payer votre verre en monnaie locale au Txoko Taberna, ou encore acheter votre fromage de brebis à Saint-Sébastien sans devoir repasser par la case euro. Ce rêve pourrait donc bien devenir réalité d’ici deux ans.
D’ici là, il faudra encore quelques coups de tampon administratifs et un peu de patience, mais après tout, au Pays basque, on aime bien les défis. Et celui-ci s’annonce aussi corsé qu’un verre de patxaran.
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