Site icon baskroom.fr

Le syndrome de Korsakoff : quand la mémoire trinque plus que le foie




Asseyez-vous, servez-vous un verre d’eau (oui, je dis bien d’eau, pas de kalimotxo), parce qu’on va causer d’un cocktail qui ne fait pas rire : le syndrome de Korsakoff. Et je vous préviens, ce n’est pas une petite cuite du samedi soir dont on se remet avec un café serré et deux cachets d’aspirine. Non, là on parle d’une gueule de bois permanente, un trou noir qui dure toute la vie

Le hic, c’est qu’en France, ce syndrome, on l’ignore comme un client bourré qui chante à 4 h du mat’. Pourtant, des milliers de nos concitoyens se baladent déjà avec ce cocktail explosif dans le cerveau, sans même qu’on les prenne au sérieux. Et le plus croustillant dans l’histoire ? Ça pourrait être évité avec une simple petite dose de vitamine B1, autrement dit un shot de thiamine. Une gorgée de prévention, et hop, pas de drame. Mais non, on préfère souvent servir du glucose direct, ce qui flingue le cerveau en deux coups de cuillère à pot. C’est un peu comme filer un whisky à quelqu’un qui sort de désintox : une recette pour la catastrophe.

Quand la mémoire part en vrille

Alors, le syndrome de Korsakoff, c’est quoi ? Eh bien imaginez que votre mémoire soit une cave à vins. Vous avez des grands crus soigneusement rangés (vos souvenirs d’enfance, vos amours de jeunesse), des bouteilles récentes (vos dernières vacances, ce que vous avez mangé hier), et puis de la place pour stocker les nouvelles livraisons. Sauf qu’avec Korsakoff, la cave prend l’eau : les vieilles bouteilles se brisent, les nouvelles ne rentrent plus, et vous vous retrouvez à inventer des crus imaginaires pour donner le change. On appelle ça des fabulations : les patients racontent des histoires sorties de nulle part, comme un ivrogne qui jure avoir discuté avec un pingouin en tutu sur le comptoir de son troquet favori.

Techniquement, on distingue deux amnésies :

Résultat : le malade vit dans une sorte de happy hour permanent, mais sans le fun, juste paumé dans un bar où les horloges n’ont plus d’aiguilles. Ajoutez à ça des problèmes d’équilibre (ça titube comme après trois pintes de trop), des yeux qui dansent la samba (nystagmus, pour les puristes), et une anosognosie qui empêche de se rendre compte de la cuite cognitive. Bref, un cocktail indigeste.

Une histoire de vitamine qui manque au comptoir

Le grand coupable, c’est pas juste le pinard ou le rhum, c’est surtout la carence en thiamine. La vitamine B1, pour les intimes. C’est elle qui permet au cerveau de carburer sans caler. Sans elle, vos neurones s’éteignent comme des lampions après la féria. Normalement, on la trouve dans le porc, les céréales complètes, les haricots secs, bref, dans une alimentation équilibrée. Mais voilà : quand on carbure à la bouteille plutôt qu’au cassoulet, la balance énergétique se dérègle.

L’alcool, c’est un barman sournois : il bloque l’absorption de la vitamine, il vide les stocks du foie, et en plus il oblige les cellules à en consommer davantage. Résultat : même si vous croquez une poignée de noix entre deux apéros, ça ne suffit pas. Pire encore, le réflexe de beaucoup de médecins pressés est de balancer du glucose en urgence. Erreur fatale : ça consomme les dernières miettes de thiamine et bam, encéphalopathie de Wernicke, puis Korsakoff derrière. Autant dire qu’on envoie le client direct au coma sans passer par la caisse.

Des chiffres qui font tourner la tête

On pourrait croire que c’est une maladie exotique, réservée à quelques pochards invétérés. Faux ! En France, environ 60 % des démences précoces (avant 65 piges) sont liées à l’alcool. En Finlande, on a même calculé que les buveurs compulsifs multiplient par 6 leur risque de démence. En Grande-Bretagne, une personne sur huit atteinte de démence précoce est victime de l’alcool. Bref, ça fait du monde au comptoir.

Chaque année, entre 600 et 900 Français développent un syndrome de Korsakoff. Et attention, le profil type n’est pas forcément le clodo avec la bouteille de rouge dans le paletot. L’âge moyen tourne autour de 62 ans, avec souvent une hypertension en bonus et des épisodes dépressifs à répétition. Et le pronostic, c’est pas champagne : mortalité à 30 %, récupération quasi nulle, coût annuel à plus de 15 000 euros par patient pour les hôpitaux. Ça fait cher la tournée.

Des malades laissés sur le trottoir

Et le pire dans tout ça, c’est l’errance médicale. Les patients Korsakoff, on ne sait pas où les caser : trop jeunes pour la gériatrie, trop cabossés pour l’addictologie, pas assez instables pour la psychiatrie, et trop désorientés pour la médecine classique. Résultat, ils errent de service en service comme un pilier de bar qui se fait jeter de bistrot en bistrot.

Dans d’autres pays, comme les Pays-Bas ou la Belgique, on a ouvert des structures spécialisées pour ces patients. En France, nada, ou presque, sauf une maison d’accueil pour femmes à Roubaix. On préfère fermer les yeux, comme un patron de bar qui fait semblant de ne pas voir que son client est déjà au 12ᵉ pastis.

La solution ? Un shot de prévention

Alors, qu’est-ce qu’on attend pour agir ? Le traitement miracle existe : un simple apport en thiamine. Pas besoin de cocktails compliqués, juste une injection intraveineuse ou intramusculaire dès qu’on suspecte un abus d’alcool. Ajoutez à ça un peu de formation des médecins, quelques campagnes de prévention, et la mise en place de structures adaptées, et hop : on réduit considérablement les dégâts.

Le syndrome de Korsakoff, c’est pas une fatalité. C’est comme se réveiller avec une gueule de bois carabinée après avoir vidé la cave : ça aurait pu être évité si on avait levé le pied la veille. Ici, c’est pareil : quelques milligrammes de vitamine, et on sauve des milliers de cerveaux. Mais tant qu’on restera dans le déni, on continuera à regarder nos concitoyens s’éteindre doucement, sans mémoire, sans repères, dans un silence médical assourdissant.

En guise de dernier verre

Donc, chers lecteurs, l’alcool, ça ne détruit pas seulement le foie, ça peut aussi faire un carnage dans la mémoire. Et si un jour vous croisez un médecin qui dégaine du glucose sans thiamine, dites-lui poliment : « Docteur, vous êtes en train de servir le cocktail de la mort. Mettez donc une rondelle de vitamine B1 avant ! »

Moi, le Dr Osasuna, je vous lève mon verre (d’eau gazeuse, promis), et je vous le dis, il est temps de sortir ce syndrome de l’ombre. Parce que si on continue à faire l’autruche, on risque de se réveiller collectivement avec la pire des cuites, à savoir celle qui ne passe jamais. Santé ! Mais la vraie, pas celle qui s’achète au comptoir.

Exit mobile version