Gau Beltza : la Nuit Noire du Pays Basque, entre frissons et traditions




Chères âmes égarées et vaillants mortels, tremblez pauvres erres et attendez-vous à une nuit où l’ombre dévore la lumière, où les secrets des vieilles pierres murmurent encore dans le vent glacial… Pour la troisième année consécutive, Hendaye plonge le 31 octobre dans l’obscurité en honorant la Gau Beltza, ou « nuit noire », une fête ancestrale qui nous rappelle qu’au Pays Basque, Halloween n’a rien d’importé. La Gau Beltza est une nuit mystérieuse où les navets se parent de visages grotesques, où les courges sourient de travers et où les âmes des défunts trouvent enfin leur chemin grâce à des lanternes vacillantes

Pas de citrouilles bon marché ici, ni de monstres en plastique. Non, au Pays Basque, on célèbre la terreur avec style. Cette tradition, qui date de plusieurs siècles, remonte à une époque où l’on croyait dur comme fer que le 31 octobre, la frontière entre notre monde et celui des esprits s’amenuisait dangereusement. Les anciens Basques plaçaient alors leurs lanternes sculptées le long des chemins pour montrer la voie aux âmes errantes – et, accessoirement, filer une sacrée frousse aux voisins. Car la Gau Beltza aussi connue sous le nom de Arimen Gaua (« nuit des âmes »), a tout pour inspirer de véritables sueurs froides.

Et c’est bien ce que cherche Hendaye en relançant cette tradition magique et un brin inquiétante. C’est simple : on prend un navet ou une courge, on le découpe pour lui donner une expression effrayante, on allume une bougie à l’intérieur, et on laisse la magie noire opérer. À l’époque, cette petite mise en scène suffisait à faire fuir les mauvais esprits. Et aujourd’hui, avec un peu de chance, elle tiendra aussi les voisins à distance.

Des lanternes aux rituels du feu

Cette année, Hendaye ne fait pas les choses à moitié. Tout commence à 16h30 avec un bal des sorcières pour les enfants aux halles Gaztelu. Mais gare à vous, car à 18h30, la fête prend une tournure plus… inquiétante. Les danseurs de feu de la compagnie Artesua embrasent la nuit avec leur spectacle Gaua, accompagnés des sinistres mélodies des txarangas et des chants incantatoires des groupes de danses basques Akelarre, Mutxiko Elkarte, et Luixa. À partir de 19h10, une déambulation menée par des porteurs de feu serpente à travers la ville, créant un spectacle aussi envoûtant que glaçant.

Cette procession aboutit à un grand brasero où chacun est invité à jeter, sans état d’âme, sa plus grande peur, soigneusement griffonnée sur un petit bout de papier. Un petit rituel de purification, pour se libérer des terreurs de l’année passée. Et gare à la dernière flamme du feu de joie : on dit qu’elle emporte toutes les frayeurs jusqu’au domaine de Andere Beltza, la Dame Noire qui veille sur la Gau Beltza.

Il faudra revêtir de vieux habits pour se protéger des mauvais esprits, Photo dr

Une histoire de sorcières et de chasseurs d’ombres

Pour apprécier la Gau Beltza à sa juste valeur, il faut se rappeler que le Pays Basque n’a jamais eu froid aux yeux quand il s’agissait de sorcellerie. Au XVIIe siècle, ce coin du monde a même connu sa propre chasse aux sorcières ! En 1609, un certain Pierre de Lancre, auto-proclamé exorciste, s’est lancé dans une traque sanglante des sorcières du Labourd. Missionné pour « purger le pays des démons », il a fait arrêter, torturer et exécuter des dizaines de Basques accusés de pactiser avec le Malin. Mais comme dirait Andere Beltza, tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus mystérieux, et les Basques n’ont jamais renoncé à célébrer leur amour pour l’étrange et l’occulte.

Pas de citrouilles géantes ni de vampires américains en vue, mais la Gau Beltza tient la comparaison avec Halloween, bien au contraire. Alors que le célèbre 31 octobre des États-Unis envahit les écrans et les rues de ses horreurs clinquantes, la fête basque conserve un charme plus brut, plus ancien, plus inquiétant. Ici, les costumes ne sont pas des superproductions ; les petits monstres déambulent en haillons et vieilles nippes, des masques simples sur le visage, comme pour rappeler que, dans le monde de Gau Beltza, l’horreur se cache plus dans le silence que dans les cris.

Le retour de la nuit noire au Pays Basque

Après des décennies d’oubli, la Gau Beltza connaît une résurgence digne d’une vieille légende. Bayonne, Ascain, Itxassou, Urrugne et même Hendaye, toutes ces communes s’embrasent de lanternes et de rituels ancestraux pour renouer avec cet hommage païen aux morts. En octobre, alors que la lumière décroît et que les ombres s’allongent, il semble que l’appel des anciens rituels se fasse plus puissant, résonnant comme un rappel des temps passés où la peur n’était pas un spectacle, mais une force à conjurer.

En somme, la Gau Beltza est une occasion unique de plonger dans l’âme basque, où chaque peur, chaque esprit, chaque navet sculpté nous murmure des histoires d’une autre époque. Alors, amis des ténèbres et curieux d’étrangeté, soyez prêts : ce 31 octobre, laissez la Gau Beltza vous envelopper de sa douce terreur. Mais prenez garde, car comme le dit un vieux proverbe basque, « Qui s’approche trop de la nuit noire risque d’y trouver bien plus que ce qu’il cherchait… »


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