C’est fait : François Bayrou, l’enfant du Béarn, est propulsé au poste de Premier ministre. Et si, du côté du Pays basque, c’est presque un feu d’artifice de satisfaction, ailleurs dans l’Hexagone, c’est plutôt un feu de Bengale qui grésille, prêt à exploser. Entre accolades amicales sur fond de chants basques et broncas parisiennes, la nomination du centriste ne laisse personne indifférent
Les amis béarnais : “Un homme du terroir, une fierté locale”
Au Pays basque, on débouche le cidre et on sort les espadrilles pour danser. Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de l’Agglomération Pays Basque, se réjouit ouvertement :
“François Bayrou, c’est l’homme de la situation. Il connaît les territoires et a su défendre les langues régionales.“
Une petite pique subtile aux gouvernements passés, peu enclins à tendre l’oreille aux subtilités linguistiques. Bayrou, l’ambassadeur des langues régionales ? Pourquoi pas. Rappelons que ce même Bayrou lorgnait jadis sur une fusion béarnaise calquée sur celle du Pays basque. Des ambitions un poil contrariées à l’époque, mais visiblement, on enterre les rancunes avec un bon verre d’Irouléguy.
Jean-Jacques Lasserre, président du département des Pyrénées-Atlantiques, ne cache pas non plus sa joie :
“C’est une bonne chose pour le Béarn et le Pays basque. François, c’est un homme courageux, persévérant, et profondément attaché à l’intérêt collectif.“
Il faut dire que les deux hommes partagent une belle camaraderie, renforcée par le fait qu’ils n’ont jamais eu à croiser le fer électoralement. Un duo presque romantique, à faire pâlir d’envie les soaps américains.
À gauche, on attend de voir avant de charger la mule
Dans l’autre camp, la députée socialiste Colette Capdevielle adopte une position plus prudente, bien que mesurée :
“Pas question de censurer François Bayrou a priori. Le pays a besoin de stabilité.“
Une déclaration à rebours des invectives habituelles. Capdevielle mise sur une analyse pragmatique des premiers actes du Premier ministre : discours, choix des ministres, et orientation politique. En résumé, elle réserve son vote, mais garde un œil aiguisé. Diplomatique, mais pas naïve.

À Paris, c’est une autre paire de manches
Si Bayrou récolte des lauriers à l’ouest, c’est carrément une couronne d’épines qu’on lui tresse à l’est de la Loire. Éric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis, ne mâche pas ses mots :
“Motion de censure tout de suite ! François Bayrou, c’est le maintien de la politique d’austérité de Macron.“
La même rengaine, du budget au 49.3, en passant par la politique de l’offre. Un refrain connu mais toujours efficace pour faire vibrer les colonnes d’un meeting insoumis.
Mathilde Panot, cheffe de file LFI, enfonce le clou avec une publication incisive sur X (l’ex-Twitter pour les retardataires) :
“Bayrou à Matignon, c’est la continuité des politiques de malheur ou la rupture. Nous avons fait notre choix.“
On aurait presque envie de fredonner un air de Georges Brassens, mais l’ambiance est plus révolutionnaire que poétique.
Les Républicains : entre rancune tenace et petits calculs
Chez Les Républicains, Bayrou, c’est un peu le copain qu’on invite à contre-cœur. On sourit pour la photo, mais dès qu’il tourne le dos, on grince des dents. Ian Boucard, député du Territoire de Belfort, résume :
“Bayrou, c’est vraiment pas possible.“
Le ressentiment remonte à 2012, quand Bayrou avait soutenu François Hollande face à Nicolas Sarkozy. Une trahison qui continue de faire couler beaucoup d’encre… et de bile.
Pourtant, malgré les piques, certains Républicains pourraient se laisser tenter par une main tendue, histoire d’obtenir quelques maroquins ministériels. On pardonne tout pour une place au soleil, même à un “traître”.
Un allié exigeant pour Macron
Le chef de l’État a beau applaudir la nomination de François Bayrou, l’histoire entre les deux hommes n’est pas un long fleuve tranquille. Les dissensions remontent à 2017, dès la constitution des listes législatives. Bayrou, en bon Béarnais, avait montré qu’il n’est pas du genre à se laisser marcher sur les sabots.
Depuis, c’est une valse-hésitation entre moments d’osmose et clashs retentissants. Dernier exemple en date : la réforme des retraites, où Bayrou avait critiqué la méthode “brutale” de Macron. On imagine mal le centriste, désormais locataire de Matignon, se muer en simple exécutant.
François Bayrou a beau être Premier ministre, le chemin qui l’attend est semé d’embûches. Entre les motions de censure qui s’amoncellent, les méfiances à droite et les critiques à gauche, il devra jouer les funambules.
Mais s’il y a une chose qu’on sait sur le Béarnais, c’est qu’il est coriace. Que ce soit au sommet du Plan, dans les arènes parlementaires, ou face à ses propres alliés, Bayrou a prouvé qu’il savait tenir bon.
Alors, à Matignon, François Bayrou sera-t-il l’homme de la situation ? Au Pays basque, on n’en doute pas une seconde. À Paris, on a des doutes. Et en France, on attend, mi-curieux, mi-inquiet, que le Béarnais montre de quel bois il se chauffe.
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